Moi, à la base, j’suis un gars du Nord. Né à Lille, habitué à la pluie fine, aux baraques à frites et aux terrils au loin. Chez moi, les “produits du terroir”, ça voulait dire maroilles, gaufres, potjevleesch… et bière bien fraîche, forcément. Puis un jour, va savoir pourquoi, j’ai mis le cap vers le Sud. Et c’est là que j’ai découvert Nyons. Au début, c’était un peu le choc : trop de soleil, trop de lavande, et les gens qui parlent doucement... ça déstabilise un ch’ti.
Mais très vite, j’ai compris un truc : ici, on vit au rythme des saisons… et de la bouffe. Surtout de la bonne bouffe. Le genre de trucs qu’on appelle “produits du terroir”, sauf que là, c’est pas un mot collé sur une étiquette : c’est du concret, du vrai, du goût.
Le marché du jeudi matin, c’est devenu mon rituel. Pas juste pour remplir le frigo, non : pour discuter, sentir, goûter. L’huile d’olive nouvelle, encore un peu trouble, qu’on te fait déguster avec une pointe de fleur de sel sur un morceau de pain... ça, c’est de la poésie. Ou les olives noires de Nyons, évidemment, petites, ridées, douces, avec ce goût unique qu’on ne trouve nulle part ailleurs. J’vous dis pas le nombre de bocaux que j’ai descendus en apéro…
Et puis y’a la tapenade. Alors là, attention débat local : verte ou noire ? Moi je penche pour la noire, bien corsée, avec un peu d’ail, un trait de citron, et basta. Ma fille, elle, préfère la verte. C’est devenu notre tradition du samedi midi : tapenade, pain frais, quelques tomates du coin, et un petit verre de rosé des Baronnies.
J’ai aussi appris à aimer des trucs que je connaissais pas du tout avant. Genre la caillette, cette espèce de boule de viande et d’herbes qui sent le laurier et le Sud à plein nez. Tu la réchauffes doucement au four, et avec une salade verte, c’est royal. Ou encore le picodon, ce petit fromage de chèvre sec qui pique un peu et qui sent le maquis — pas celui de Corse, hein, le nôtre. Un fromage qui a du caractère, comme les gens d’ici.
Y’a aussi des trucs sucrés : le nougat au miel de lavande, qui colle un peu aux dents mais qu’on peut pas s’empêcher de grignoter. Les fruits du Ventoux, pêches, abricots, figues… cueillis mûrs, juteux à souhait. Les confitures artisanales, parfois aux mélanges improbables : fraise-menthe, abricot-romarin, figue-noix. Moi, j’en prends une différente à chaque fois. Juste pour tester.
Et puis les herbes de Provence qu’on achète en vrac, les sirops artisanaux à la lavande ou au thym, les saucissons secs à l’ancienne, les pains au levain cuits dans des vieux fours en pierre… À Nyons, même les savons sentent bon la cuisine.
Tu vois, moi qui viens de Lille, j’aurais jamais cru devenir un ambassadeur des produits du terroir. Et pourtant. Aujourd’hui, je fais goûter l’huile d’olive à mes potes du Nord comme si c’était du champagne. Je leur parle de mes “petits producteurs”, je râle quand le marché est annulé pour cause de mistral (bon, ça arrive). Je prépare des paniers garnis pour Noël, avec tapenade, picodon, vin rouge local et un savon à l’huile d’olive. Et je suis fier. Fier de ce coin, fier de ces gens, fier de ce qu’on mange ici.
Alors si tu passes à Nyons, viens à la maison, ou croise-moi au marché. Je te ferai goûter ce que j’aime ici. Et tu comprendras pourquoi, même si je suis né là-haut, c’est ici que je me sens chez moi.