Installez-vous, on va jaser d’un petit coin de la Drôme que j’aime bien : Condorcet. P’tit village tranquille, perché à 350 mètres d’altitude, juste à une dizaine de kilomètres au nord-est de Nyons. Moi, j’dis toujours que c’est un endroit pour les gens qui aiment le calme, la marche, et les histoires anciennes qu’on sent encore dans les pierres.
Condorcet, c’est pas bien grand, hein, on compte autour de 500 âmes, mais alors niveau patrimoine et mémoire, y a de quoi faire ! Déjà, c’est ici qu’est née la famille de Jean-Antoine de Caritat, plus connu sous le nom de marquis de Condorcet – un sacré bonhomme celui-là. Penseur des Lumières, acteur de la Révolution française, défenseur des droits, même ceux des femmes, imaginez un peu à l’époque !
Quand vous arrivez au village, y a un truc qui saute aux yeux : le silence. Mais pas un silence mort, non… Un silence habité, comme si les vieilles pierres voulaient encore raconter quelque chose. C’est peut-être à cause du vieux château fort, ou plutôt ce qu’il en reste. Faut grimper un peu pour y monter, et c’est pas de tout repos – je me souviens encore d’une fois où j’ai fait l’ascension avec mon petit-neveu sur le dos, j’en ai bavé ! Y a une corde installée sur la fin du chemin pour aider, parce que le passage est raide. Mais une fois là-haut… quelle vue ! Un panorama à 360 degrés sur les Baronnies, et même un p’tit coup d’œil sur le mont Ventoux si le ciel est clair.
Le vieux village, lui, a été déserté au début du XXe siècle. Le dernier habitant a quitté les lieux en 1916, pour s’installer en bas, dans la vallée de la Trente Pas. Tout ce qu’il reste là-haut aujourd’hui, c’est des ruines, quelques murs du donjon, et une impression étrange, comme si le temps s’était arrêté. On peut y monter depuis l’église du village (la vraie, pas la ruine), par un petit sentier de découverte bien fichu, avec des panneaux qui racontent l’histoire du coin, les idées du marquis et même un ancien projet de bains thermaux.
Eh oui, faut le savoir, y avait un établissement thermal ici, exploité par un certain M. Grépat à la fin du XIXe siècle. Le ministère de l’Agriculture lui avait même filé l’autorisation d’exploiter l’eau de la source du Rouet en 1879. Il semblerait que cette eau possède toutes les qualités : troubles hépatiques, rhumatismes, calculs urinaires... Tout y était inclus ! L'opération s'est poursuivie pendant environ quinze ans, jusqu'à ce que la Première Guerre mondiale mette fin à tout cela.
Mais ce n’est pas tout. Ce que peu de gens savent, c’est qu’il y avait aussi des mines à Condorcet ! Dans la vallée du Merdarix, on a exploité dès le XIIIe siècle des gisements de gypse, de célestine, de strontiane, et même de minerais métalliques comme la blende (zinc) et la galène (plomb). Ça a fait tourner un peu d’industrie au XIXe siècle, tout ça grâce à la géologie spéciale du coin – des couches de marnes et de grès bien spécifiques. Les mines ont fermé au début du XXe siècle, mais il reste un vieux chariot de mine, vestige de cette époque-là, qui trône encore fièrement dans le paysage, comme pour rappeler que Condorcet a aussi eu sa part d’aventure industrielle.
Et aujourd’hui ? Eh bien, c’est un village tranquille avec sa boulangerie-épicerie, un bar-tabac, un petit centre équestre (le centre du Rouet), et surtout de belles balades dans les collines. Y a plusieurs circuits pédestres et équestres : Saint-Pons, La Garde, Montagne d’Autuche, et même le GR9 qui passe pas loin. Et pour les amateurs de cheval, Sylvie et Paméla du centre équestre vous organisent des randos sur plusieurs jours à travers la Drôme provençale. Du Picodon, des olives de Nyons, du vin des Baronnies… bref, la vie simple, mais belle.
Et si après tout ça, vous avez un petit creux, je vous recommande La Charrette Bleue. C’est un restaurant situé à 7 km de Nyons, sur la route de Gap (D94), à la sortie du village des Pilles, dans un quartier appelé « La Bonté ». Bien que distant de plusieurs kilomètres du village de Condorcet, il en fait partie administrativement. Installé dans un ancien relais de poste en pierres calcaires, ce joli mas vous accueille dans une salle aux poutres apparentes, rénovée aux couleurs chaudes de la Provence. Aux beaux jours, la terrasse fleurie, ombragée par des canisses, offre une vue panoramique sur les collines environnantes, alternant champs d’oliviers, de lavandes, d’abricotiers, et marnes noires des Baronnies.
Côté cuisine, c’est un vrai régal. Vous pourrez déguster, par exemple, un foie gras de canard maison avec chutney de coings, pruneau au vin rouge et pain de campagne grillé, ou encore quatre huîtres Rockefeller servies chaudes dans un beurre aux herbes. En plat principal, laissez-vous tenter par un filet de bœuf poêlé aux champignons des bois, accompagné d’une écrasée de pommes de terre au beurre, de légumes frais et d’une sauce vigneronne. Et pour finir en beauté, une assiette de fromages assortis ou le dessert de votre choix sur la carte.
Pour venir à Condorcet depuis Nyons, c’est pas compliqué. Si vous êtes en voiture, prenez la D538 en direction de Gap. Après environ 10 km, vous verrez les indications pour Condorcet. Suivez la D70, et en une douzaine de minutes, vous y êtes. Si vous préférez les transports en commun, il y a un bus direct qui part de la Halte Routière de Nyons et arrive au village de Condorcet. Ce service est assuré par Cars Région Drôme, avec deux départs par jour en semaine. Le trajet dure environ 20 minutes et coûte 2 €.
Alors voilà, Condorcet c’est pas un spot à touristes en tongs, c’est un petit bout de Drôme où chaque pierre a son mot à dire. Si vous passez dans le coin, prenez le temps de lever les yeux, de respirer à pleins poumons… et pourquoi pas, de grimper jusqu’aux ruines pour saluer l’histoire.
Chris jeune papy du coin, qui aime les chemins caillouteux et les souvenirs bien enracinés.