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Ah… la cigale, mon petit… Rien qu’à en parler, j’entends déjà son chant dans le lointain, là, au fond des collines qui dorment sous la chaleur. Dans la Drôme Provençale, quand les pierres commencent à chauffer et que les herbes craquent sous les pas, c’est elle qui donne le ton. Pas une journée d’été sans son crin-crin entêtant, comme un vieux moulin à musique rouillé qu’on aurait oublié d’éteindre.
La cigale, faut le savoir, c’est pas une bête pressée. Elle vit cachée sous terre pendant deux, trois… parfois cinq ans ! Et là-dessous, elle fait pas grand-chose, hein, elle suce les racines et elle patiente. Puis, un beau matin, quand la terre est assez chaude, elle grimpe au pied d’un arbre ou d’un buisson, elle sort de sa vieille carapace et paf : la voilà transformée. Toute verte, toute fragile, elle sèche ses ailes au soleil et devient cette fameuse cigale qu’on connaît bien.
Mais attention, elle reste pas longtemps là-haut. Quelques semaines à peine… Elle chante, elle s’accouple, elle pond… et puis s’en va. La vie de cigale, c’est un feu d’artifice court, mais intense. Elle a passé des années à se préparer, pour chanter un seul été. Tu parles d’une leçon de patience…
Et ce fameux chant, parlons-en ! C’est pas pour le plaisir ou l’opéra, hein. C’est le mâle qui chante, pour attirer sa belle. Il a dans le ventre un drôle d’instrument – on appelle ça un tymbal – qui vibre à toute allure. Ça fait ce bruit si particulier, qu’on entend dès qu’il fait au moins 25 ou 30 degrés. Plus il fait chaud, plus elles s’en donnent à cœur joie. La femelle, elle, reste muette. Elle écoute. Et elle choisit.
Dans la garrigue, elles sont reines, mais pas toutes seules. Faut faire attention, parce que plein de bêtes les guettent. Les oiseaux, les lézards, les araignées… tout ce petit monde s’en régale. Mais bon, y’en a tellement, les cigales, qu’il en reste toujours assez pour assurer la relève l’année suivante.
Et puis, tu sais, la cigale c’est pas qu’un insecte. C’est un symbole. Une musique du Sud. Elle est là pour nous dire que l’été est bien là. Chez nous, en Drôme Provençale, quand elles chantent, c’est que tout va bien. Qu’il y a de la vie, de la chaleur, du thym, du romarin, et des gens heureux autour d’un pastis ou d’un melon bien frais. On les accroche même aux murs en céramique, comme des porte-bonheur. Dans les villages, on en trouve sur les volets, les murs, les souvenirs à vendre…
Moi, quand j’étais gamin, j’en cherchais dans les pins, et parfois, j’arrivais à en attraper une. Je la mettais dans ma main, je l’écoutais de près… et je la relâchais. Elle se sauvait toujours, avec un petit saut maladroit, comme une bourrasque d’aile chaude.
Les poètes d’ici en parlent comme d’une reine de l’été. Elle ne bosse pas, elle chante. Un peu comme dans la fable, tu sais ? Mais ici, on la juge pas. Elle fait sa part. Elle annonce le temps des vacances, le temps lent, le temps qu’on prend pour ne rien faire.
Alors la prochaine fois que tu entends le chant d’une cigale, ferme les yeux un instant. C’est pas juste un bruit d’insecte. C’est toute la Provence qui te parle. Le passé, le soleil, les souvenirs d’enfance… et peut-être même un peu de moi.