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Moi, quand je parle du cinéma à Nyons, je ne pense pas d’abord à un bâtiment. Je pense à une ambiance, à des soirs d’été, à des chaises qu’on traîne sur une place, à un drap tendu de travers, à des rires, parfois à des silences. À Nyons, le cinéma ne s’est jamais imposé d’un coup, comme un bloc de béton tombé du ciel. Non. Il est arrivé doucement, au rythme des fêtes, des saisons, des habitudes du village. Et c’est sûrement pour ça qu’on y est encore attachés aujourd’hui.
Au tout début du XXᵉ siècle, le cinéma arrive chez nous comme il arrive partout ailleurs dans les petites villes : avec les forains. À l’époque, on ne dit même pas “cinéma”, on dit cinématographe. Ça fait sérieux, presque scientifique. Les images bougent, les gens ouvrent grand les yeux, et déjà, on se laisse embarquer.
Les projections ne se font pas dans une salle dédiée. On utilise ce qu’on a sous la main :
des salles polyvalentes, des cafés, parfois une cour, parfois carrément en plein air. Le cinéma, ce n’est pas encore un lieu fixe. C’est un événement, une soirée pas comme les autres. On y va en famille, entre voisins, on commente, on rit, on a peur parfois. Le cinéma, à Nyons, commence comme ça : collectif, vivant, populaire.
Peu à peu, un endroit revient souvent dans les souvenirs : la place du Champ de Mars, qui deviendra plus tard la place de la Libération. Le cœur du village, tout simplement.
Dans les années 1920–1930, on a enfin un repère clair : le Casino. Une photo de cette époque montre nettement, sur la place centrale, un bâtiment portant cette enseigne. Là, on peut le dire sans se tromper : Nyons a son cinéma.
Mais attention le Casino, ce n’était pas seulement une salle de projection. C’était un lieu de vie. On y allait pour voir un film, bien sûr, mais aussi pour les bals, les spectacles, les réunions. Et puis, soyons honnêtes entre nous :
le Casino, c’était aussi le cinéma des premiers émois. Le fond de la salle, un peu plus sombre, un regard échangé, une main qui se rapproche. Le cinéma faisait battre les cœurs autant que le projecteur faisait tourner la bobine.
- le cinéma n’est plus seulement de passage,
- il s’ancre dans un lieu précis,
- il entre dans les habitudes des Nyonsais.
On va “au cinéma”, comme on irait au café ou au marché. Et ça, c’est une petite révolution.
Mais cette première expérience ne dure pas sans interruption. Le Casino marque une étape, pas encore une continuité.
Et là, on arrive à une période que moi, j’adore raconter, parce qu’elle explique beaucoup de choses. Avant 1976, il faut bien le dire : Nyons n’a pas de cinéma municipal permanent. Le cinéma existe, oui, mais par intermittence. Il apparaît, disparaît, revient. Il s’adapte.
C’est aussi à cette époque que les anciens parlent souvent de plusieurs cinémas à Nyons, sans forcément parler de bâtiments fixes.
À côté du Casino, certains se souviennent d’une autre salle, plus sage, plus sérieuse, qu’on appelait le Star rue de montelimar. Un cinéma plus posé, où l’on venait vraiment pour le film, pour l’histoire, pour l’écran, sans trop bavarder. Moins de chuchotements au fond de la salle, plus d’attention, plus de silence respectueux.
Et puis il y avait aussi le cinéma de l’abbé Catherain. Là, on changeait encore d’ambiance. Un cinéma encadré, souvent lié au patronage ou aux activités paroissiales. On y allait pour se distraire, oui, mais aussi pour apprendre, pour “bien se tenir”.
Autant dire qu’au cinéma de l’abbé, il valait mieux filer droit. Un chahut, un bavardage un peu trop appuyé, et le rappel à l’ordre n’était jamais loin.
C’est de là que vient cette phrase qu’on entend encore aujourd’hui :
👉 « À Nyons, il y avait trois cinémas. »
Non pas trois multiplexes, mais trois ambiances, trois façons de vivre le cinéma :
le Casino, le Star, et celui de l’abbé.
Les projections se font surtout lors des grandes fêtes populaires, et notamment pendant le Corso fleuri, le grand rendez-vous de la fin de l’été. À ce moment-là, la ville se transforme. Les forains arrivent avec leurs manèges, leurs stands… et leurs cinémas ambulants.
On raconte même qu’il pouvait y en avoir jusqu’à trois en même temps lors de ces périodes festives. Trois installations mobiles, trois écrans, parfois à quelques dizaines de mètres les uns des autres. Et le tout premier film projeté à Nyons aurait été Judex, un serial populaire de l’époque. Rien que le titre, déjà, ça sent l’aventure.
Quand on n’a pas de salle dédiée, on fait preuve d’imagination. À Nyons, on projetait des films :
en plein air, sur une place ou dans une cour, avec un drap tendu contre un mur ;
dans des salles communales ou des salles des fêtes ;
dans des bâtiments provisoirement aménagés, parfois une ancienne caserne, parfois un local associatif ;
et souvent en complément d’autres spectacles : guignols, théâtre forain, numéros musicaux.
Le cinéma n’est pas isolé. Il fait partie du spectacle vivant. On ne vient pas “juste” voir un film : on vient passer une soirée entière. Le cinéma, à cette époque-là, c’est autant une ambiance qu’une projection.
Cette période est passionnante mais pas toujours simple à documenter. Heureusement, la mémoire locale a été bien conservée. Les journaux anciens, les archives, les témoignages d’anciens Nyonsais, les cartes postales racontent tous un bout de l’histoire.
Quand on regarde ces vieilles photos, on voit des places transformées pour les fêtes, des façades de cafés qui changent de rôle le temps d’une projection, des affiches collées à la va-vite. C’est tout un cinéma de village, au sens le plus noble du terme.
Et puis arrive 1976. Là, on change d’époque. Cette année-là, le cinéma L’Arlequin ouvre ses portes place de la Libération. Pour la première fois, Nyons a un cinéma durable, identifié, stable.
C’est un tournant majeur. Le cinéma ne dépend plus des saisons ou des fêtes. Il devient un équipement culturel à part entière. L’Arlequin commence avec une salle, puis évolue avec le temps pour en compter deux, offrant aujourd’hui une capacité confortable et une vraie diversité de séances.
L’Arlequin, ce n’est pas un cinéma tape-à-l’œil. C’est un cinéma d’art et d’essai, oui, mais surtout un cinéma de proximité. On y trouve :
des films en version originale,
des sorties nationales,
des séances pour le jeune public,
des reprises, des débats, des soirées à thème.
Depuis 2010, il est géré par une association, preuve que le cinéma à Nyons reste une aventure collective, portée par des gens du coin, pour les gens du coin.
Aujourd’hui encore, le cinéma fait battre le cœur de Nyons. Entre les festivals locaux, les avant-premières, les partenariats autour du documentaire, et même des tournages dans le pays nyonsais, le cinéma est bien vivant.
Il a simplement changé de forme.
Il est passé du drap tendu sur une place à l’écran confortable d’une salle moderne.
Mais l’esprit, lui, est resté le même.
Le cinéma à Nyons, ce n’est pas seulement ce qu’on regarde assis dans un fauteuil. C’est aussi ce qui se tourne autour de nous, dans les collines, sur les petites routes, dans les villages perchés. Ici, dans le Nyonsais et les Baronnies, on a un truc que les caméras adorent : la lumière, les reliefs, les pierres, et ce mélange de douceur et de caractère qui passe si bien à l’écran.
Faut dire que le décor fait une sacrée partie du boulot. Pas besoin de grands artifices : un village, une place, une route qui serpente entre les oliviers et voilà le cinéma qui s’invite.
Parmi les films qui ont vraiment marqué les esprits ces dernières années, il y a Raoul Taburin a un secret. Celui-là, on en a beaucoup parlé chez nous. Déjà parce que l’histoire sent bon la nostalgie et la bicyclette, mais aussi parce que le lien avec Nyons a été très concret. Une avant-première a même été organisée au cinéma l’Arlequin, avec le réalisateur et Benoît Poelvoorde en personne. Autant te dire que, ce jour-là, le cinéma n’était pas qu’une salle : c’était un événement, comme autrefois.
Et puis il faut le préciser, parce que ça compte : le film a été essentiellement tourné à Venterol, juste aux portes de Nyons. Ce n’est pas anodin. Ça veut dire que le pays nyonsais n’est pas seulement un décor de passage, mais un vrai territoire de cinéma, capable d’accueillir un tournage, une équipe, une histoire.
Quand on voit le film après, on reconnaît les ambiances, les lignes de paysage, cette façon qu’a la région de se laisser filmer sans tricher. Et là, on se dit : “Tiens, ça, c’est chez nous.” Et ça fait quelque chose.
Alors non, soyons clairs : Nyons n’a pas vu naître un réalisateur mondialement connu qui ferait la une des magazines. Mais franchement, est-ce que c’est ça le plus important ? Ici, ce qui compte, ce sont les gens qui font vivre le cinéma au quotidien, souvent loin des projecteurs.
Dans le coin, il y a par exemple OPHELIA FILM, basée à Vinsobres. Une association discrète, mais active, qui soutient le cinéma d’auteur, les documentaires, les projets indépendants. Ce n’est pas le genre de structure qui fait les gros titres tous les quatre matins, mais c’est exactement ce genre de présence qui entretient une culture cinéma locale, sur la durée.
Et ça, à Nyons, on connaît bien. Le cinéma n’a jamais été une affaire de paillettes. C’est une affaire de passion, de collectif, de transmission. Des projections foraines d’hier aux avant-premières d’aujourd’hui, il y a un fil rouge : l’envie de raconter des histoires et de les partager.
En résumé, à la Papy Chris :
Avant 1976, le cinéma à Nyons est itinérant, saisonnier, festif.
Il se décline en plusieurs lieux, plusieurs ambiances, plusieurs façons de regarder un film.
Avec l’Arlequin, il se fixe, sans perdre son âme.
Et quand on connaît cette histoire, on comprend pourquoi, à Nyons, aller au cinéma n’a jamais été un geste banal.
C’est toujours un petit événement.