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Nyons, l’octroi. Rien que ce mot, ça sent les charrettes, la poussière, les disputes autour du Pont Roman et les préposés moustachus qui agitaient leurs carnets comme des gendarmes du bon vieux temps. Tu me connais, j’aime bien raconter ces histoires-là, celles où Nyons n’est pas seulement une carte postale, mais un vrai petit théâtre où chacun joue son rôle depuis des siècles.
Alors assieds-toi, on remonte le temps.
Figure-toi qu’à Nyons, l’octroi, ce n’est pas une invention récente. Ça remonte au Moyen Âge. À cette époque, la ville dépend d’abord des abbesses d’Arles puis des seigneurs de Montauban. Les Nyonsais, déjà très attachés à leur liberté (ça, ça n’a pas changé), obtiennent petit à petit des franchises, du commerce, et des droits qui permettent à la ville de respirer.
Et parmi ces droits, il y a ce fameux octroi, une taxe locale sur les marchandises qu’on fait entrer dans la ville : vin, huile, viande, grains, bêtes, bois. Tout ce qui circule. Quand tu y penses, ce n’était ni plus ni moins que l’ancêtre de la TVA, mais version médiévale : tu arrives, on pèse, on taxe, on sourit (ou pas).
À partir de 1337, Nyons reçoit même une charte du Dauphin Humbert II qui renforce ces libertés. Les marchands lombards et juifs s’installent, les banques se créent, le marché du jeudi explose. Nyons devient un petit centre économique. Forcément, qui dit commerce dit octroi. Et qui dit octroi dit revenus pour entretenir les chemins, les remparts, les fontaines et les dépenses de la ville.
L’un des points chauds de l’octroi, c’était le Pont Roman. Eh oui, depuis plus de six siècles, ce pont n’a pas seulement servi à traverser l’Eygues ou à se baigner dessous l’été : c’était un véritable péage. On y surveillait les entrées de marchandises.
Tu imagines la scène : une charrette arrive, grinçant sous le poids des sacs de blé ou des jarres d’huile. Le préposé sort de sa petite cabane, tire sa casquette, inspecte la marchandise, pèse, note, taxe et ça râle. Les Nyonsais ont toujours râlé en payant. Tradition locale.
Et pour ceux qui entraient par le sud, il y avait un deuxième octroi sur la place du Champ-de-Mars, l’actuelle place de la Libération. C’était l’autre grande porte de la ville.
On parle souvent de l’octroi, mais on oublie son meilleur ami : la bascule. Installée en 1841, elle servait à peser tout ce qui passait. Elle a tellement travaillé qu’en 1924, il a fallu en installer une nouvelle, capable de soulever jusqu’à 20 tonnes. Une bête ! Les charretiers devaient s’y arrêter, que ça leur plaise ou non.
Tu vois, à l’époque, Nyons était serrée derrière ses remparts. Chaque entrée était une frontière. L’octroi, c’était la douane locale.
Et bien sûr, comme toujours, les taxes, ça finit par chauffer les esprits. En 1840, il y a même eu une émeute contre l’octroi. Près de 800 personnes devant le bureau du Pont Roman, lançant des pierres, criant « À bas l’octroi ! À bas le maire ! ». Les gendarmes ont dû intervenir, arrêter trois agitateurs, dont deux Colombet (dans toutes les histoires nyonsaises, il y a toujours un Colombet quelque part).
Mais malgré les protestations, l’octroi rapporte tellement d’argent à la ville qu’on ne peut pas s’en passer. À certaines périodes, il représente plus de la moitié du budget municipal. Sans lui, impossible de payer les travaux, les employés, l’entretien des infrastructures.
Alors on râle mais on paye.
Du XIXe au début du XXe siècle, l’octroi évolue. Parfois géré directement par la mairie (régie simple), parfois confié à un fermier privé (mise en ferme). Les employés changent, les tarifs augmentent, les préposés deviennent des personnages incontournables. Certains, comme Victor Brouillard, sont même nommés officiellement, avec serment à prêter et protection armée en cas d’agression. Il ne fallait pas plaisanter avec l’octroi.
Mais au fil du temps, tout devient lourd et coûteux. Les frais de perception dépassent parfois 40 % des recettes. En pleine guerre, en 1941, une loi nationale impose la réforme ou la suppression des octrois jugés trop coûteux.
Pour Nyons, la sentence tombe le 1er février 1942 : l’octroi est supprimé. Fin d’une époque.
Pour compenser, la ville met en place d’autres taxes : propriétés bâties, non bâties, locaux professionnels… et même une taxe sur les domestiques ! Les Nyonsais passent de l’octroi à un système fiscal plus moderne, mais l’idée reste la même : faire entrer de l’argent pour faire tourner la commune.
La bascule, elle, continue de fonctionner encore longtemps. Le bâtiment de l’octroi sera finalement démoli en 1964.
Quand tu te balades sous le Pont Roman ou rue des Déportés, tu ne vois plus les guérites, mais les vieux du coin s’en souviennent encore très bien. L’octroi, c’était la frontière de Nyons, le lieu où l’on payait pour entrer, mais aussi un morceau de vie, de commerce, d’odeurs et de discussions interminables.
Et franchement, je suis sûr d’une chose : si l’octroi revenait aujourd’hui, il y aurait une nouvelle émeute mais on en rigolerait autour d’un café sous les arcades.