Ah Montaulieu… rien que d’y penser, j’en ai les épaules qui se détendent et le sourire qui remonte tout seul. C’est pas bien grand, ce village, mais alors quel caractère ! Une poignée de maisons en pierre accrochées à un piton rocheux, à plus de 500 mètres d’altitude, tout là-haut dans la Drôme Provençale. Si tu prends la route entre Nyons et Rémuzat, tu passes sûrement à côté sans le voir. Faut grimper un peu, par une route étroite et sinueuse qui fait des lacets comme des rubans. Mais une fois arrivé, quel calme… et quelle vue !
Moi, j’suis pas né là-haut, mais j’y suis monté souvent, pour marcher ou pour voir des amis. Et crois-moi, Montaulieu, ça ne s’oublie pas.
Faut dire qu’il est bien placé, le bougre. Dans ce coin des Baronnies, on est gâté par le climat. Du soleil à foison, un air sec, et une nature généreuse. À Montaulieu, c’est un peu le royaume des oliviers. Et pas n’importe lesquels hein, ceux de la variété “Tanche”, celle qui donne cette fameuse huile d’olive AOP de Nyons. Y’en a partout, des vergers en restanques, et entre deux, tu croises des amandiers, des abricotiers, des vignes, et même quelques tilleuls.
Agnès et David, par exemple, eux ils s’y sont installés au début des années 2000. Ils travaillent leurs terres en bio, comme d’autres du village d’ailleurs. Des olives, bien sûr, mais aussi des confitures, des sirops, des gelées de plantes. Même des fraises et des cerises ! Et depuis peu, ils élèvent des porcs laineux, en plein air s’il vous plaît. Ça sent bon le bon sens paysan, tout ça. Et on peut retrouver leurs produits dans des points de vente comme la Biasse Paysanne à Nyons ou l’Alternative Paysanne à Orange.
Et quand tu te balades entre ces cultures, ça sent la garrigue, le foin, la terre chaude. Tu entends les cigales, un chien qui jappe au loin, une cloche au clocher. C’est pas du cinéma, c’est juste la vraie vie, ici.
Mais Montaulieu, c’est pas que les cultures. C’est aussi un sacré bout d’histoire. À l’époque féodale, c’était divisé en trois communautés : Montaulieu, Rocheblave et la Bâtie-Costechaude. T’imagines ? Trois hameaux pour un village ! On voit encore aujourd’hui les ruines de Rocheblave et de Côte Chaude. Et au centre du village, y’a l’église Saint-Jacques, construite au XIXe siècle. Sobre mais charmante, avec sa façade claire. Juste derrière la mairie, y’a même les restes d’un des anciens châteaux du coin. Faut un peu d’imagination, mais quand on sait lire les pierres, elles en disent long.
Suzanne et Michel Lallemand, un couple qui fréquente le village depuis les années 60, ont écrit un livre passionnant là-dessus. Il s’appelait De Montolio à Montaulieu, mais il est épuisé maintenant. Ils y racontaient la vie d’antan, les paysans qui se battaient contre la disette, les impôts, la terre dure et les récoltes maigres. Pas facile tous les jours, mais ça forçait le respect.
Montaulieu, c’est aussi un paradis pour les randonneurs. Je te recommande vivement la boucle “Tour de L’Ubac et de la Buisse”. Une douzaine de kilomètres qui te font passer par trois cols, dont celui des Lantons. Tu traverses des restanques en pierres sèches — ces fameux murs qu’on trouve dans toute la Provence et qui datent parfois de l’Antiquité ! En haut, t’as une vue imprenable sur les montagnes d’Angèle et de Miélandre. C’est sauvage, c’est pur. Le genre d’endroit où tu croises plus de papillons que de promeneurs.
Et le soir venu, si le ciel est dégagé — ce qui arrive souvent par ici — lève la tête. Montaulieu, c’est un coin parfait pour l’observation astronomique. Pas de pollution lumineuse, pas d’usine à l’horizon. Juste toi, les étoiles, et la Voie Lactée qui s’étire au-dessus des oliviers. L’observatoire de Tréguier en profite aussi, paraît-il.
Tu crois peut-être que c’est mort, un village comme ça ? Détrompe-toi. Il s’y passe des choses. Début d’année, on a la fameuse fête de la soupe. Y’a deux maraîchers, un arboriculteur, un chevrier et quelques passionnés des cultures bio. On sort les grandes marmites, on discute, on goûte… c’est simple, c’est bon, c’est Montaulieu.
Il y a aussi un petit gîte charmant, “Le Balcon d’Angèle”, avec vue panoramique sur la montagne. J’y ai emmené des cousins du Nord une fois, ils sont repartis avec une caisse d’huile d’olive et des étoiles plein les yeux.
Et puis parfois, il suffit de s’asseoir sur un muret, d’écouter le silence, et de laisser le vent te raconter les histoires de ce village discret. C’est pas un endroit qu’on visite à la va-vite. C’est un lieu qu’on apprivoise, lentement. Et qu’on n’oublie jamais.
Ah, tu veux monter à Montaulieu depuis Nyons ? Facile mon p’tit ! Tu prends la direction de Gap, par la D94. Tu longes l’Eygues, c’est joli tout le long, t’as les falaises qui te regardent de travers, les champs d’oliviers qui s’étirent, et si t’as l’œil, tu verras peut-être un héron ou deux. Après dix petites minutes, tu passes Aubres, puis tu continues jusqu’à Curnier. Là, faut pas rater le panneau : tu prends à droite, une petite route qui grimpe sec. Ça tourne, ça monte, ça se faufile entre les collines. Y’a sept virages en épingle — de vrais tire-bouchons ! — et paf, te voilà arrivé à Montaulieu. Tout là-haut, au calme, avec la montagne d’Angèle qui te fait un clin d’œil. C’est pas le bout du monde… mais on n’en est pas loin, et c’est bien pour ça qu’on y respire si bien.