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Quand on parle de Nyons, on pense souvent au Pont Roman, aux olives qui brillent comme des petites perles noires, ou encore au soleil qui tape assez fort pour faire mûrir un citroen sur un balcon. Pourtant, un autre lieu mérite qu’on s’y attarde : la Place du Foussat, devenue aujourd’hui Place Joseph Buffaven, cœur battant d’une vie populaire, bruyante, tendre, parfois un peu folle, mais toujours profondément humaine.
Ce coin-là, c’est le Nyons authentique, celui que les anciens racontent avec des yeux qui pétillent.
Nyons ne s’est pas faite en un jour. La ville s’est étalée doucement, avec des quartiers qui se sont ajoutés comme les chapitres d’un vieux livre :
le Quartier des Forts, noyau médiéval serré contre ses remparts ;
les Halles et les Arcades, aujourd’hui la Place du Docteur Bourdongle ;
le Bourg Neuf, poussant vers l’est depuis le clocher ;
puis enfin, hors les murs, la ville moderne avec le Champ de Mars (Place de la Libération) et le Foussat.
Le nom vient du mot fossat, le fossé qui longeait autrefois la rue des Grands Forts. C’était un axe de défense, un rempart, un passage voûté. Autant dire que là, on ne rigolait pas.
Le Foussat, au XIXᵉ siècle, n’était pas encore la place ouverte qu’on connaît. Des maisons mordaient sur l’espace public. En 1881, les propriétaires renoncent finalement à l’usufruit de cinq mètres devant chez eux petit geste, mais grand changement pour la ville.
Quatre ans plus tard, un certain Gustave Lambert veut y installer un jeu de paume de 17 m sur 8. On imagine très bien la scène : discussions animées, moustaches frémissantes, et au final accord de la mairie mais pour seulement 10 ans. Nyons, déjà prudente.
Puis, en 1882, la rue Jean-Pierre André qui s’appelait encore rue de la Fontaine est ouverte vers la place. Objectif : dégorger la Grande Rue bondée les jours de marché et permettre aux attelages venant du Pont Roman de respirer un peu. Cette ouverture changera tout : commerces, circulation, vie de quartier.
La rue Jean-Pierre André n’était pas qu’une entrée : c’était un monde.
Elle débouchait sur les soustets, ces passages couverts typiques. Elle menait aussi vers l’impasse des Grignons, la rue de la Liberté (ancienne rue des cordonniers), l’ancien hôpital dirigé par les Frères du Saint-Sacrement, et la chapelle de la Fraternité.
Un vrai patchwork.
Au XVIIIᵉ siècle, l’impasse des Grignons abritait un moulin à grignons, propriété de la ville. De ces déchets d’olive, on tirait encore une huile de deuxième qualité. Rien ne se perdait !
La Place du Foussat, jusqu’aux années 1950, c’était un petit cosmos social : gendarmes, lavandières, marchands, paysans, enfants drogués au vent et au soleil.
La gendarmerie trônait où se trouve aujourd’hui la mairie.
À côté : le lavoir, avec ses deux bassins savonnage et rinçage.
Les femmes bavardaient, riaient, colportaient les nouvelles pendant que le linge battait l’eau claire de la Meyne. Un étendage public tendu entre les murs permettait de suspendre les draps, créant un décor animé comme une scène de théâtre.
Derrière, là où se trouve aujourd’hui la médiathèque, les écuries chevaux de gendarmes, odeur de paille chaude, sabots sur les pavés. La caserne des pompiers occupait les garages actuels.
L’ancienne prison s’élevait de l’autre côté de la Draye, à l’emplacement de l’école de Meyne. Plus loin, les murs du collège Dupuy plongeaient vers le sud.
Là se trouvaient un marchand de bois, un bassin, une fontaine, puis la ferronnerie de Georges Davin le forgeron qui chantait en travaillant et guérissait les brûlures. Une figure locale.
Le Café Monor attirait les habitués.
À côté, les maisons Foglizzo et Amie.
Luigi Foglizzo, colporteur italien, s’était installé là pour fabriquer des chaussures sur mesure, vendues ensuite de ferme en ferme.
Le Foussat accueillait :
les cirques (Triumph, Grüss…)
les transhumances (ânons, brebis, bergers endormis sur place)
les gens du voyage
l’étameur, le rémouleur
les paysans qui dormaient sur place avec leurs bêtes
les enfants qui jouaient partout
les poules qui picoraient les miettes
Les ruisseaux recevaient eaux usées et lessives… alors oui, l’été, ça sentait fort. Déjà en 1778, un procès mentionne ces “cloaques” de la Meyne. Comme disait l’autre : rien de nouveau sous le soleil de Nyons.
Un habitant se souvient :
Les enfants descendaient la Draye en carrioles bricolées, les pieds dans les ornières.
Ils “empruntaient” les vélos des gendarmes finissant parfois dans la cave à charbon.
Les pompiers leur prêtaient la salle où trônait l’un des premiers téléviseurs du quartier : Tour de France, suspense total.
Le curé de Notre-Dame projetait Tintin et Milou en noir et blanc.
Les familles sortaient les chaises pour “prendre le frais”.
Et l’été, les gamins piquaient une tête dans les bassins du lavoir quand les lavandières avaient tourné le dos.
Une époque rude mais joyeuse, où tout se partageait.
Cette rue regorgeait de petites boutiques :
menuisier-tonnelier Farnier
épicerie Dermain
premier fournil Achard-Barjavel
glacier Gleize
cordonnier Bouchet
tabac-presse Blanc
boucherie, coiffeur, dentellière, laitier Smett
galerie d’art et cours Pigier
pâtissier Viret
Café du Centre déjà très vivant
magasins de graines et d’appareils ménagers
Une rue qui respirait le travail bien fait.
Place du Foussat, devenue Place Buffaven, garde encore des traces de cette vie populaire : ruelles, passages, bâtisses anciennes, souvenirs racontés au détour d’un café.
Il reste tant à découvrir… et peut-être que d’autres archives, cartes postales et témoignages viendront encore révéler les trésors de ce quartier qui n’a jamais cessé de battre au rythme des Nyonsais.