Y'en a qui passent devant sans même ralentir, et c’est bien dommage. Parce que ce petit village accroché à la colline, à même pas dix minutes de Nyons, J’ai eu le temps de le sillonner en long, en large et surtout en travers, Venterol. Et quand on s’intéresse un peu à Venterol de 1850 à nos jour, on se rend compte qu’il n’a pas juste traversé le temps, il l’a bien vécu, et à sa manière.
Bon, en 1850, j’y étais pas, mais c’est pas pour autant qu’on peut pas imaginer. À l’époque, pas d’asphalte, pas de voitures, juste des sabots, des charrettes et des champs à perte de vue. Le coin vivait de la terre, comme partout dans la Drôme : l’olivier, bien sûr, ça faisait déjà partie du décor, mais y’avait aussi des vignes, des vers à soie, et même un peu de garance pour les teintures. Venterol, c’était petit, mais ça bossait dur.
En 1858, ils ont construit un temple protestant, bien solide, encore debout aujourd’hui. Et en 1876, un beau lavoir en pierre est venu compléter le paysage. Imaginez les scènes là-bas : les femmes qui lavaient le linge, qui papotaient, qui racontaient tout ce qui se passait dans le village. C’était le Facebook local, mais avec de la mousse et des battoirs. Et puis l’eau, elle descendait pas du robinet, hein ! Fallait la chercher à la fontaine. À cette époque, chaque goutte comptait.
Le village, il s’est bâti à la pente, comme s’il voulait grimper au ciel. Des maisons en pierre bien serrées, des ruelles étroites où deux chèvres peuvent à peine se croiser, et ce silence… pas le silence gênant, non, le bon. Celui qui apaise. Celui qui fait qu’on s’arrête, qu’on respire. Aujourd’hui encore, quand je me pose là-haut, sur le petit banc en pierre devant l’église, j’entends le vent qui fait chanter les volets, les oiseaux qui se répondent d’une façade à l’autre, et parfois, un gamin qui rigole dans le bas du village.
Alors évidemment, depuis 1850, Venterol en a vu passer des choses. La guerre, les départs, les retours, les tracteurs qui remplacent les chevaux, l’électricité, le téléphone, le béton qui a commencé à gagner du terrain. Mais malgré tout ça, le village a pas vendu son âme. Les vignes sont toujours là et pas n’importe lesquelles, hein, du Côtes-du-Rhône Villages, du vrai, du bon, qui sent le soleil et la garrigue. Et les oliviers, eux, ils ont pas bougé. Certains sont là depuis bien plus longtemps que nous tous réunis.
Ce que j’aime, moi, dans Venterol, c’est qu’elle est pas écrite dans les musées, elle est dans les pierres, dans les chemins, dans la lumière du soir. Parfois, je parle avec des anciens qui y sont nés, et ils te sortent des anecdotes qu’on inventerait pas : le curé qui se perdait à chaque vendange parce qu’il avait le nez dans les barriques, ou encore la fois où les chèvres se sont invitées dans la salle des fêtes… le genre d’histoires qui vaut tous les guides touristiques du monde.
Aujourd’hui, les touristes commencent à le découvrir, Venterol. Mais doucement, sans que ça dénature. Des familles viennent y passer l’après-midi, pique-niquer à l’ombre, marcher dans les vignes, ou juste faire un tour. Y’a une galerie d’art dans l’ancien temple, des expositions, des marchés en été… et cette vue, bon sang, cette vue ! On voit jusqu’à la vallée de l’Eygues, parfois même les montagnes bleutées là-bas au fond. C’est pas une carte postale, c’est mieux que ça : c’est vivant.
Alors non, Venterol, c’est pas un musée figé dans le temps. C’est un petit village de la Drôme qui a su garder son calme, son charme et sa lumière, tout en avançant à son rythme. Et puis, faut dire les choses comme elles sont : quand t’as besoin de souffler, de retrouver du vrai, y’a pas besoin d’aller à l’autre bout du monde. T’as juste à tourner à gauche après Nyons et grimper un peu. Et là, tu verras. Y’a pas que les cigales qui chantent. Le passé aussi, il chuchote.
A voir absolument
Bon allez, suis-moi gamin, j’vais t’faire le tour de Venterol comme on me l’a appris, pas sur Google mais à la semelle. On commence gentiment au lavoir, juste à côté de la mairie. C’est là qu’on lisait les nouvelles avant les smartphones : les femmes lavaient le linge et les histoires en même temps. Regarde bien, y’a une plaque, et t’en verras d’autres tout le long : c’est le parcours du village, un genre de chasse au trésor à base de vieilles pierres.
Un peu plus haut, tu tomberas sur l’église Notre-Dame, jolie comme un sou neuf avec son campanile en fer forgé du XVIIIᵉ. Tends l’oreille quand ça sonne, t’as l’impression que c’est la vallée entière qui répond. Juste en dessous, y’a un autre lavoir, plus discret, mais bien planqué sous l’église. On dit qu’il reste frais même en plein cagnard.
Continue ton chemin et tu trouveras le chemin de Tomple. Alors là, je t’avoue, c’est pas le nom qui fait rêver, mais la balade vaut le détour. T’as les cigales, les murets en pierre sèche, et parfois un chat qui squatte comme s’il était maire du coin.
T’as vu les panneaux ? C’est le parcours de la Pierre. Tout est bien fichu, avec des infos pratiques et un petit plan – t’as même pas besoin d’emmener un guide, juste tes yeux et un peu de curiosité.
Si t’as une voiture, pousse jusqu’à Novézan, pas loin. Là-bas, y’a l’église Saint-Michel, et ils rigolent pas avec leur mobilier : statues, autel, bannière, et même des tableaux de l’Annonciation. On sent que ça rigolait pas le dimanche matin.
En revenant vers Venterol, jette un œil aux ruines du château Ratier. Y reste plus grand-chose, mais tu devines le donjon, et si tu fermes les yeux, t’entends presque les bottes sur les pierres.
Et pour finir en beauté, file voir la chapelle Sainte-Perpétue. En 1965, un certain Cristobal Orti, un artiste espagnol un peu mystique, a peint là-dedans un cycle de fresques murales. C’est pas la Chapelle Sixtine, hein, mais ça envoie quand même.
Voilà mon p’tit, t’as fait le tour. Pas besoin de grands discours : ici, la mémoire est accrochée aux murs. Et chaque pierre, elle te regarde passer comme pour te dire merci d’être venu.
Et si un jour, on me demandait ce que je retiens de Venterol de 1850 à nos jour, je dirais pas grand-chose de savant. Juste ça : ici, le temps s’écoule sans faire de bruit, mais il laisse des traces, belles, simples, solides. Comme le village lui-même.