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Quand je parle de Nyons pendant la période de l’entre-deux-guerres, je dis souvent que c’est une époque silencieuse. Pas silencieuse parce qu’il ne se passait rien, non silencieuse parce que les gens se taisaient. Ils avaient trop vu, trop perdu. Entre la fin de la Première Guerre mondiale en novembre 1918 et le début de la Seconde Guerre mondiale en septembre 1939, Nyons, comme beaucoup de villes françaises, a vécu une période à la fois dure, fragile et profondément humaine.
La Première Guerre mondiale a laissé derrière elle une saignée humaine considérable. À Nyons, comme ailleurs, les monuments aux morts parlent encore pour ceux qui ne sont jamais revenus. Cette perte humaine a aggravé une situation démographique déjà fragile. Le recensement de 1921 est sans appel : Nyons a perdu près de 10 % de sa population par rapport à 1911, et l’arrondissement presque 20 %. Des familles entières ont été amputées, des fermes se sont retrouvées sans bras, des rues sans jeunesse.
Il faudra attendre 1936 pour que la ville retrouve son niveau de population d’avant-guerre. Et encore, dans les zones de montagne autour de Nyons, le déclin se poursuivra jusqu’aux années 1980. Le déficit des naissances et l’exode rural vident peu à peu les campagnes. Les jeunes partent chercher du travail ailleurs, souvent en ville, parfois très loin.
Sur le plan économique, la reconstruction après guerre est tout sauf facile. La reprise est lente, compliquée, et marquée par des désordres monétaires profonds. Le vieux franc-germinal, stable pendant tout le XIXᵉ siècle, disparaît. Les espèces métalliques se raréfient. Le franc se déprécie fortement face aux grandes devises internationales comme la livre sterling ou le dollar américain.
Pour les classes populaires, les salariés et les petits producteurs, ces bouleversements se ressentent immédiatement dans la vie quotidienne. On compte, on économise, on répare au lieu de remplacer. La pauvreté progresse, les tensions sociales aussi.
En 1928, le gouvernement Poincaré stabilise enfin le franc. Mais à quel prix : il ne vaut plus qu’environ un cinquième de sa valeur d’avant-guerre. Puis arrivent les années 1930 et, avec elles, la déflation. Les prix baissent, mais les salaires aussi. Le chômage de masse s’installe, les conditions de vie se dégradent. À Nyons, comme ailleurs, on serre les dents.
La crise économique mondiale de 1929, la Grande Dépression, n’épargne personne. Elle aggrave les difficultés déjà présentes et crée un climat de peur et d’incertitude. On parle moins d’avenir, beaucoup de survie.
Mais Nyons a toujours eu ce réflexe-là : quand ça va mal, on s’organise. Dès 1923, face aux difficultés, les agriculteurs nyonsais créent une huilerie coopérative. Une vraie réponse locale à une crise globale. L’outil est ambitieux : une capacité de 1 200 hectolitres et une confiserie d’olives pouvant traiter jusqu’à 150 000 kilos.
La coopérative regroupe environ 400 producteurs. Sous la direction de Marin Coupon, elle progresse rapidement. On mutualise, on transforme, on valorise la production locale. Ici, l’olive devient plus qu’un produit : un lien social, une assurance contre l’abandon.
En 1928, la coopérative va plus loin et se lance dans la vinification. Une cave de 4 000 hectolitres est créée. L’objectif est clair : transformer, vendre, vivre du pays. Cette diversification agricole est typique de l’entre-deux-guerres. On ne peut plus dépendre d’une seule culture. Il faut s’adapter, innover, moderniser.
C’est aussi ça, Nyons dans les années 1920 et 1930 : une modernisation prudente, enracinée, loin des grandes idéologies mais proche des réalités.
Pendant ce temps-là, le monde change vite. Les anciens empires allemand, austro-hongrois, russe et ottoman s’effondrent. Les États-Unis deviennent la première puissance économique mondiale. L’URSS naît après la guerre civile russe. Les idéologies montent : communisme, nationalisme, fascisme, nazisme. En Europe, la violence politique se multiplie, les incidents diplomatiques aussi.
Même à Nyons, on sent cette instabilité politique européenne. On lit les journaux, on écoute les discussions au café. La paix paraît fragile. La Société des Nations tente d’apaiser les tensions, mais le désarmement reste incomplet. Le traité de Versailles a laissé des rancœurs durables.
L’entre-deux-guerres est parfois présenté comme une pause. En réalité, c’est une accalmie fragile entre deux violences majeures. Certains historiens parlent même d’une guerre civile européenne continue entre 1914 et 1945. À Nyons, on vit cette période avec prudence, entre espoir de jours meilleurs et inquiétude sourde.
Malgré tout, l’entre-deux-guerres est aussi une époque de progrès techniques, de mutations sociales et culturelles, de modernisation lente mais réelle. Pour Nyons, c’est une période de déclin démographique et de grande fragilité économique, oui. Mais c’est aussi un moment de solidarité locale, de structuration coopérative, et d’intelligence collective, notamment autour de l’olive.
Et ça, crois-moi, c’est ce qui a permis à la ville de tenir debout jusqu’à la tempête suivante.