Mes journées à Nyons sont rythmées par les saveurs du terroir et une bonne dose de bonne humeur. Je suis retraité, installé ici avec ma femme depuis des années, et on n’a pas eu d’enfants – ce qui ne nous empêche pas de chouchouter tous les gourmands de passage ! Chaque jeudi matin, on file main dans la main au grand marché de Nyons, un rendez-vous hebdomadaire que je ne manquerais pour rien au monde. On dit souvent qu’il faut venir à Nyons rien que pour voir ce marché provençal « d’une immensité sans fin » – et je crois que ce n’est pas exagéré. Je me revois encore, la première fois, émerveillé par les étals colorés qui s’étendent à perte de vue sur la place. On se faufile parmi les stands en saluant les voisins, on flâne sous le soleil déjà chaud du matin… et on en prend plein les yeux et les narines : odeurs d’olives et de tapenade, de melon coupé, de lavande fraîche. Un vrai bonheur au quotidien, comme le disent aussi les voyageurs : « le marché de Nyons est un bonheur ! », un nectar de terroir rempli de délices. On y trouve de tout : les fameuses olives noires de Nyons AOP, des fromages de chèvre affinés (le picodon du coin qui pique un peu la langue, c’est mon péché mignon), du miel de lavande crémeux, sans oublier l’abricot des Baronnies juteux en été, les scourtins tissés à l’ancienne et même le Tilleul des Baronnies pour la tisane du soir. Les producteurs locaux sont au rendez-vous, et on sent bien que c’est un marché authentique : énormément de stands de gastronomie et d’artisanat local, et très peu de vendeurs de bric-à-brac attrape-touristes – « en comparaison très peu de vendeurs de soupe », comme j’ai entendu quelqu’un s’étonner l’an dernier. Autrement dit, on est là entre gens du cru qui aiment les bonnes choses, et ça se sent !
Un jeudi typique, je pars avec mon panier en osier et ma casquette vissée sur la tête. Ma femme a sa liste en tête, mais évidemment je n’en fais qu’à la mienne – la gourmandise l’emporte toujours. On commence par la tour des primeurs : on goûte un quartier d’orange ici, un morceau de melon là, offert avec le sourire par le maraîcher. Au stand des fromagers, c’est la tentation assurée : « Vous nous en mettrez deux, ils sont trop bons vos picodons ! » lançons-nous en chœur. À côté, un couple de touristes hésite devant la tomme de chèvre – leurs gamins tirent sur la manche pour avoir du fromage. Je me mêle de la conversation (j’adore papoter, que voulez-vous) et je leur souffle de tester le picodon avec un peu de confiture de figues pour adoucir. Le petit me regarde, l’air sérieux : « C’est fort ? ». Je rigole : « Un peu mon bonhomme, mais tu verras, c’est le goût de chez nous ! ». Il croque, fait de grands yeux et finalement pouffe de rire – victoire, encore un converti au fromage de la Drôme ! On continue vers le coin des huiles d’olive. Là, impossible de résister : on trempe du pain frais dans l’huile nouvelle, on compare les arômes. Un habitué me glisse que les olives de tel producteur sont « de loin les meilleures » qu’il ait goûtées – je ne le contredis pas, au contraire, je lui conseille d’aller rencontrer le producteur directement à la ferme. Car c’est ça aussi mon plaisir : envoyer les visiteurs chez les producteurs que je connais bien, pour qu’ils découvrent eux-mêmes la passion qui anime notre région.
Justement, les producteurs, parlons-en. En dehors du marché, j’adore aller faire un tour dans les fermes alentours. La première fois que j’ai amené des amis à la Ferme Brès, une oliveraie familiale perchée sur les hauteurs, ça a été un moment magique. Accueil chaleureux, petite dégustation d’olives noires à l’arrivée – “goûtez-moi ça, elles viennent d’être préparées”, qu’elle nous dit la dame – on se sent tout de suite comme en famille. On discute sous l’olivier centenaire, on apprend deux-trois trucs sur la culture de la variété Tanche (l’olive locale) et sur l’huile d’olive AOP Nyons. J’ai même vu des visiteurs repartir de là en s’exclamant que cette halte à la ferme avait été « le clou de leur visite » dans la région. Il faut dire que la ferme offre une vue splendide sur la vallée de l’Eygues et qu’on y découvre un travail artisanal de grande qualité – le propriétaire n’est pas avare en explications et il partage son savoir-faire avec passion. Moi, je repars toujours avec une bouteille de leur huile cuvée vendange tardive (ma préférée, un vrai nectar fruité) et quelques pots de tapenade maison. On a de la chance, les producteurs ici transmettent chaleureusement l’amour de leur métier aux curieux de passage. Certains proposent même des visites guidées passionnantes : au moulin à huile voisin, le fils de la famille nous a fait une démonstration du pressage des olives, avec une telle fougue qu’on buvait ses paroles – on sentait l’engagement de ces jeunes à valoriser leur terroir. Et puis la dégustation derrière, mamamia… pain frais, huile dorée, olives parfumées aux herbes de Provence – on en salive encore en y repensant. Une adresse à recommander absolument, comme on dit !
Évidemment, il n’y a pas que l’olive à Nyons (même si on en met un peu partout, soyons honnêtes). Il y a aussi des savoir-faire insolites. Tenez, pas plus tard que la semaine dernière j’ai emmené un couple de voisins en balade jusqu’à la Scourtinerie du coin. C’est la dernière fabrique de scourtins de France – ces drôles de tapis ronds en fibre de coco qui servaient autrefois à filtrer l’huile d’olive. Figurez-vous qu’on peut visiter l’atelier, ça sent bon la fibre naturelle et l’huile, et on voit les ouvrières tisser comme à l’ancienne.Après la visite, on passe toujours à la boutique attenante. Elle est grande et remplie de trésors : on y trouve des scourtins de toutes tailles et de toutes formes, mais aussi de la jolie céramique locale et plein de produits du terroir. Et détail qui tue (le genre d’attention qu’on apprécie nous, les seniors qui aimons prendre notre temps) : ils ont même installé des toilettes et une petite buvette ombragée à l’extérieur pour se rafraîchir après la visite, sous les arbres. Le top, non ? On s’est accordé un sirop d’orgeat bien frais à l’ombre d’un platane en rigolant avec d’autres visiteurs – bref, une bonne adresse, conviviale comme on les aime.
En parlant d’ombre et de fraîcheur, j’ouvre une petite parenthèse : Nyons, c’est le « petit Nice » de la Drôme, il y fait un soleil de plomb en été avec un ensoleillement de dingue plus de 300 jours par an. Heureusement, on a notre petit vent local, le Pontias, qui descend des collines au petit matin et rafraîchit la ville. Bon, je vais pas vous mentir, l’hiver ce coquin de vent vous glace le bout du nez avant 10h du matin – ma femme me court après avec l’écharpe si j’oublie de me couvrir pour aller chercher le pain ! Mais dès que le soleil se pointe, on revit. Et l’été, ce vent est une bénédiction quand on a 35°C à l’ombre. On a appris à vivre avec la nature ici, et la météo fait partie du folklore local… comme la pétanque d’ailleurs. Ah ça, la pétanque, c’est sacré à Nyons ! Vous verriez les infrastructures qu’on a, des boulodromes dignes d’un championnat du monde – on ne se refuse rien. Tous les après-midis, ça claque des cochonnets sous les platanes. Moi-même, après mes tournées gastronomiques, je finis souvent la journée avec mes copains autour du terrain de boules,même si suis nul ...... On taquine le bouchon en refaisant le monde, pendant que les cigales donnent le concert. Il y a toujours un papi pour râler que « c’était mieux avant », mais je vous garantis qu’on ne s’ennuie jamais ici, même sans cinémas multiplex ou centres commerciaux. La vie s’écoule doucement, au rythme du chant des cigales et des rires au marché.
Et puis quelle ambiance familiale ! Je vois beaucoup de familles de touristes venir profiter de Nyons et des Baronnies. Les gamins courent autour de la fontaine, un pain au chocolat à la main, pendant que les parents sirotent un café en terrasse sur la Place des Arcades. On discute facilement : on me demande une adresse pour acheter de l’huile d’olive ou du miel, je recommande sans hésiter mon petit réseau de producteurs favoris. Par exemple, l’été dernier, une famille cherchait une activité sympa pour un après-midi : je leur ai indiqué la Distillerie Bleu Provence en ville. C’est un endroit que j’adore et qui intrigue toujours les enfants : un ancien entrepôt reconverti en distillerie de lavande, avec un petit musée odorant. Ça sent bon la lavande à des mètres à la ronde quand les alambics tournent, je vous raconte pas ! On peut assister à la distillation en direct de mai à septembre, voir la vapeur violette s’échapper… Les petits restent bouche bée devant les alambics en cuivre qui bouillonnent, et les grands ne sont pas en reste. Et bien sûr, on ressort par la boutique (ça, on n’y coupe pas ) : ma femme craque à chaque fois pour un flacon d’huile essentielle ou un savon à la lavande. Les enfants, eux, repartent souvent avec une glace artisanale parfum lavande ou verveine – eh oui, ils proposent même des glaces aux plantes de Provence à la cafétéria ! (Je vous avoue que j’ai un faible pour celle au thym et au miel, c’est original et délicieux.)
Après toutes ces escapades gourmandes et ces rencontres, on rentre chez nous, généralement le cabas plein à craquer. Le soir, on s’amuse à composer un petit dîner avec nos emplettes du jour. Par exemple, une tartine de caillette (un pâté local aux herbes) sur du bon pain de campagne, accompagnée de tomates de pays arrosées d’un filet d’huile d’olive fruitée… et hop, on ouvre une bouteille de Côtes du Rhône du coin (avec modération, promis !). On trinque à la santé de nos nouveaux copains de passage, on repense aux anecdotes marrantes de la journée. Et pour digérer tout ça, rien de tel que ma tisane favorite : une infusion de Tilleul des Baronnies bien chaude. Le tilleul, c’est la fierté locale moins connue que l’olive, mais quel parfum ! Je le laisse infuser en regardant le soleil se coucher sur les collines. Sur la terrasse, l’air embaume encore un peu la garrigue; on entend au loin un hibou et quelques grillons tardifs. Ma femme souffle sur sa tasse fumante et plaisante : « On est bien, hein ? ». On est bien, oui. Le bonheur simple, version Nyons et Baronnies, ça tient à peu de choses finalement : de bons produits, des rencontres chaleureuses, et le temps de savourer tout ça.
Alors si vous passez par chez nous, n’hésitez pas à venir nous faire un petit coucou sur le marché ou autour d’un verre. Je me ferai un plaisir de vous raconter d’autres histoires du pays – et Dieu sait que j’en ai en stock, à mon âge ! On vous accueillera à bras ouverts, comme on le fait ici depuis toujours. Parce qu’en Provence nyonsaise, on a le soleil dans le ciel et dans le cœur. Et ça, croyez-moi, ça change tout. Bon séjour chez nous, et à bientôt autour d’une table gourmande !