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Quand je mets le nez dans une enquête préfectorale de 1807, je n’ai pas l’impression de lire un simple document administratif. Moi, j’y vois la vie quotidienne de Nyons, avec ses métiers, ses odeurs, ses saisons de travail et ses espoirs. À cette époque, Nyons n’est déjà plus un simple bourg rural : c’est une petite ville organisée, active, profondément tournée vers l’artisanat et l’agriculture.
Le recensement du 1er janvier 1806 dénombre 2 333 habitants à Nyons. Ce chiffre, à lui seul, en dit long. On y trouve des manufacturiers, des ouvriers, des négociants, des marchands, des artisans, mais aussi des fermiers et métayers, des domestiques, des officiers de santé et des officiers ministériels de justice. La présence de protestants réformés est clairement signalée, tout comme celle des mendiants, rappelant que la pauvreté existe aussi dans une ville active.
Autre point important pour comprendre la société nyonsaise du début du XIXᵉ siècle : les personnes sachant lire et écrire restent minoritaires. Pourtant, elles sont bien là, signe que Nyons commence déjà à s’ouvrir à une organisation plus administrative et commerciale.
Cette enquête confirme une chose essentielle pour l’histoire : Nyons est déjà une petite ville artisanale et agricole structurée, loin du cliché du village figé.
Impossible de parler de Nyons sans évoquer la sériciculture. Au XVIIIᵉ et au XIXᵉ siècle, le mûrier est au cœur de l’économie locale. Introduit d’Asie dans le Midi méditerranéen et la vallée du Rhône, il devient indispensable à l’élevage du ver à soie.
Deux espèces dominent :
le mûrier blanc (morus alba), très apprécié pour sa feuille tendre, abondante et précoce, qui produit une soie plus fine ;
le mûrier noir (morus nigra), utilisé surtout en fin d’élevage.
À Nyons, on emploie aussi un mûrier nain sauvage appelé « pourette », dont la feuille précoce est idéale pour les jeunes vers et nécessite peu d’entretien. Ce choix pragmatique montre l’adaptation des pratiques locales au climat et au relief.
L’élevage du ver à soie, appelé éducation, dure environ 32 jours. Pour nourrir les vers issus d’une seule once de graines (environ 30 grammes), il faut près de 1 200 kilos de feuilles de mûrier.
La répartition est parlante :
70 kg pour les 15 premiers jours,
180 kg pour la semaine suivante,
950 kg pour les 10 derniers jours.
Au début, le travail reste modéré. Mais sur la fin, c’est une véritable course contre la montre. Hommes, femmes, enfants et vieillards participent. La magnanerie devient le centre névralgique de la maison. À Nyons, la soie est une affaire de famille.
Dès le début du XIXᵉ siècle, les autorités et les techniciens savent que la réussite de l’élevage dépend de règles strictes :
aération constante des locaux,
éviter l’encombrement des vers,
exposition recommandée au nord ou à l’est,
température idéale entre 20 et 22 °C,
repas réguliers, jusqu’à quatre par jour dans les derniers âges,
séparation des vers retardés,
encabanage dès que les vers sont mûrs,
étouffage des cocons à la vapeur d’eau, méthode jugée la plus respectueuse de la qualité de la soie.
Ces pratiques montrent que la sériciculture n’est pas un savoir approximatif, mais une technique maîtrisée, transmise et améliorée.
Partout ailleurs, on utilise surtout la bruyère pour l’encabanage. À Nyons, la pratique locale privilégie la cytise des Alpes, appelée ici « brou de mai ».
Un arrêté municipal autorise même sa coupe entre le 29 mai et le 6 juin, dans les montagnes d’Essaillon et de la Garde Grosse. Cette précision administrative illustre l’importance économique de la soie pour la commune.
Les vers à soie sont fragiles. Pébrine, flacherie, muscardine et grasserie menacent constamment les élevages. Dès 1856, certaines épidémies déciment les magnaneries. Les travaux de Pasteur en 1866 permettront plus tard de relancer la confiance.
Bien avant cela, les autorités s’inquiètent déjà des problèmes d’hygiène. Odeurs, fermentations, déchets organiques : des arrêtés imposent l’enlèvement des fumiers, le nettoyage quotidien des rues et des règles strictes pour l’évacuation des déchets issus des cocons, vers la rivière, le canal ou hors de la ville.
À Nyons, le jeudi est jour de marché, une tradition toujours vivante. Mais au XIXᵉ siècle, on trouve aussi un marché aux cocons, organisé lundi, jeudi et samedi.
Le point culminant reste la grande foire aux cocons du 22 juin, jour de la Saint-Jean. Les marchands, souvent venus de Lyon, achètent la production locale. Pour les familles nyonsaises, les cocons deviennent alors de véritables pièces d’or.
Dans le quartier de la Maladrerie, un canal toujours en eau structure l’activité industrielle. Dès 1680, la scourtinerie s’y installe. Le canal alimente les soieries et les moulinages, faisant tourner près de vingt roues hydrauliques.
On y élève les vers, on y met la soie en fil, et l’activité se maintient jusqu’aux années 1950. Les vers à soie locaux disparaissent progressivement vers 1900, sous l’effet des évolutions économiques et industrielles.
Face à l’augmentation des pressions mécaniques dans les huileries, les techniques évoluent. Les filtres traditionnels montrent leurs limites. La scourtinerie nyonsaise s’adapte, innove, puis entre dans une nouvelle ère avec l’arrivée des fibres synthétiques au XXᵉ siècle.
Cette enquête préfectorale de 1807 nous rappelle une chose essentielle : Nyons n’a jamais été immobile. C’est une ville de travail, d’adaptation et de savoir-faire, dont la soie a longtemps été l’un des fils conducteurs. Moi, Papy Chris, je trouve que cette histoire mérite largement d’être racontée et bien référencée.