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NYONS : UNE HISTOIRE DE SOURCES, DE FONTAINES… ET DE PÉNURIES D’EAU
À Nyons, l’eau n’a jamais été un sujet banal. Ici, dans notre coin de Drôme provençale, entouré de collines sèches et avec des étés qui tapent fort, chaque goutte a toujours compté. Bien avant l’arrivée de l’eau au robinet, ce sont les fontaines publiques de Nyons qui faisaient battre le cœur de la ville. Et pourtant, dès le début du XIXᵉ siècle, le manque d’eau devient une vraie préoccupation.
Le 12 mai 1824, le maire de Nyons tire déjà la sonnette d’alarme : les fontaines sont fortement détériorées et la ville commence sérieusement à manquer d’eau. Ce n’est pas une petite gêne passagère. C’est un vrai problème de santé publique et de vie quotidienne. À l’époque, on dépend entièrement des fontaines pour boire, cuisiner, laver le linge et abreuver les bêtes.
Et avec le temps, ça ne s’arrange pas. En 1861, Nyons compte 3 633 habitants pour seulement 6 000 litres d’eau par jour. Autant dire presque rien. Il devient urgent de trouver de nouvelles sources, plus abondantes et surtout plus fiables.
Face à l’urgence, la commune confie une étude hydrographique à un homme aussi discret que compétent : l’abbé Soulier, curé de Vesc et membre de la Société géologique de France. Entre 1861 et 1864, sa mission est claire : trouver une eau saine, abondante et durable pour alimenter Nyons.
Il passe tout au crible, méthodiquement, autour de la ville :
Le Loron (ou Lauron) : une source naturelle, oui, mais sur des terrains privés, cultivés et boisés. La végétation altère la qualité de l’eau et complique sérieusement les travaux.
Les Esfonts : une très belle source, avec un débit estimé à 150 litres par minute, mais une eau trop calcaire, qui oblige à refaire les conduites régulièrement.
Les terrains d’Aubres : une eau ferrugineuse, presque pétrifiante.
La vallée des Rieux (ou Eyrieux) : une eau déjà utilisée par les usines, ce qui entraînerait conflits et indemnisations.
Le monticule d’Aiguille, aux Guards : trop de petits filets d’eau dispersés, avec un entretien jugé trop coûteux.
Bref, aucune de ces solutions ne convainc vraiment.
C’est alors que l’abbé Soulier avance une idée audacieuse : capter les eaux souterraines de la vallée de Sauve. En creusant une tranchée profonde de plus de sept mètres, on pourrait intercepter un cours d’eau invisible, mais puissant. Le débit est estimé à 600 litres par minute, un chiffre énorme pour l’époque.
Le captage est réalisé entre 1865 et 1868. L’eau est amenée jusqu’à Nyons par un aqueduc d’environ 1 800 mètres, avec une pente calculée pour arriver au Champ de Mars. En 1871, le préfet de la Drôme autorise officiellement l’exploitation. On se dit alors que, cette fois, le problème de l’eau est réglé.
Mais les étés restent secs. Très secs. Et dès 1887, la pénurie refait surface.
En parallèle de Sauve, la ville s’appuie sur d’autres ressources. La source des Esfonts est acquise en 1842, revendue en 1871, puis finalement rachetée par la commune en 1888. Les travaux d’adduction s’achèvent en 1890.
Cette source devient essentielle pour le quartier de la Maladrerie, souvent mal desservi. On y trouve une fontaine-abreuvoir-lavoir, précieuse pour la vie quotidienne des habitants.
La source du Grand Fort est l’une des plus anciennes de Nyons. Elle alimente la fontaine du Grand Fort, avec son lavoir couvert, adossé aux remparts du Bastion. Malgré des coûts d’entretien élevés, la municipalité refuse de la vendre : elle sert de réserve de secours quand les autres sources faiblissent.
En 1850, Nyons compte officiellement six fontaines publiques :
les fontaines du Petit Fort :
– la fontaine du levant
– la fontaine du couchant
la fontaine du Grand Fort, avec deux ouvertures et un lavoir
la fontaine du District, dans la cour de l’Hôtel de Ville
la fontaine couverte, rue de la Fontaine
la fontaine de la Conche, place de la Fontaine, la plus importante avec quatre ouvertures
Ces fontaines ne sont pas de simples points d’eau. Ce sont de véritables lieux de vie, où l’on échange les nouvelles, où la ville respire. Comme on disait ici :
« Au four, au moulin, à la fontaine, on apprend toujours quelque chose. »
Avec le temps s’ajoutent la fontaine monumentale du Champ de Mars, la pompe de la Maladrerie, la fontaine de Notre-Dame de Bon Secours, le lavoir du Four à Chaux, plusieurs bornes-fontaines, et la fontaine de la République, rue des Petits Forts.
La sécheresse de 1906 est catastrophique. En 1907, le maire doit pomper l’eau à la vapeur pour alimenter provisoirement les conduites. Un vaste projet est lancé en 1911, sous la direction de l’ingénieur Giboin. La guerre de 1914 stoppe tout. Les travaux ne reprennent qu’en 1920.
En 1925, un grand réservoir d’eau est achevé route de Montélimar. Le débit atteint enfin 25 litres par seconde. Mais un autre problème apparaît : la surconsommation.
Depuis 1871, les habitants peuvent obtenir l’eau à domicile par concession. Certains laissent couler les robinets jour et nuit. En 1926, la municipalité impose les compteurs d’eau. Et là, ça gronde. Les habitants protestent, pétitionnent, râlent. Après la mort du docteur Rochier en 1933, son successeur, pourtant opposé aux compteurs, les maintient.
Les conflits sont nombreux : droits d’irrigation anciens, quartiers oubliés comme Saint-Roch ou la route de Montélimar, détournements d’eau pour les moulins à huile, remises accordées lors de longues coupures.
Aujourd’hui, on ouvre un robinet sans y penser. Pourtant, chaque fontaine de Nyons raconte cette lutte permanente pour l’eau. Elles sont la mémoire d’une ville qui a appris à compter, partager, négocier… et parfois se disputer pour quelques litres de plus.
À Nyons, l’eau n’a jamais coulé de source.
Et c’est justement pour ça que son histoire mérite d’être racontée.